Au cœur de la ville du Havre, la culture se love dans des « volcans » imaginés par l’architecte brésilien Oscar Niemeyer.
Lors de la reconstruction du centre-ville du Havre après la guerre de 1940, sous l’égide de l’architecte Auguste Perret, il était prévu la réédification d’un théâtre détruit par les bombardements.
Le projet n’ayant pu être réalisé du vivant d’Auguste Perret, c’est seulement en 1978, à l’emplacement laissé vide pendant 30 ans, que vit le jour une grande « Maison de la culture » conçue par l’architecte Oscar Niemeyer.
Le drôle d’oiseau sculptural d’Oscar Niemeyer
La Maison de la culture du Havre est l’une des œuvres préférées de l’architecte avec laquelle il affiche sa liberté de concevoir une architecture brutaliste en mouvement, au formes courbes inspirées de la nature, voire même du corps féminin, comme pour l’architecture de l’espace Niemeyer à Paris.
Extérieurement, 2 cônes en forme de cheminées surgissent d’un plateau sous lequel ils sont construits, séparés par une cour anglaise, une place close (à l’origine) qui était protégée du vent et située à près de 4 mètres en contre-bas de la chaussée.
L’architecture organique d’Oscar Niemeyer, dont le tracé borduré de la cour intérieure évoque une colombe vue du ciel, contraste avec l’architecture environnante très normée d’Auguste Perret.
Elle apporte un peu de fantaisie au cœur du centre-ville du Havre.
Libre comme…
Sur le parvis de l’Espace Niemeyer du Havre, deux sculptures aux têtes d’oiseaux stylisées par Niemeyer viennent singulariser un peu plus son architecture.
Comme Le Corbusier, son mentor, Niemeyer est un architecte au tempérament d’artiste qui agrémente parfois ses construction avec des œuvres personnelles.
Voir aussi la sculpture fontaine représentant sa main, en bas de cet article.
Si vous êtes intéressé par le thème de l’oiseau en lien avec l’architecture, je vous invite à parcourir mes reportages photographiques sur la Gare TGV de Lyon Saint-Exupéry de Santiago Calatrava ou sur La Philharmonie de Paris de Jean Nouvel (prochainement dans ce blog).
L’architecture volcanique de l’Espace Niemeyer du Havre
En raison de la forme de ses deux « cheminées » atypiques, l’Espace Oscar Niemeyer s’est vu assez naturellement attribué le nom de « Le Volcan », huit années après sa réalisation.
L’ensemble architectural est situé dans le prolongement du bassin de Commerce.
Il est cerclé par une paroi moulée de 20 mètres de profondeur sur environ 500 mètres de circonférence et repose sur 239 pieux de fondation.
Le chantier de construction s’est déroulé pendant 4 ans, de 1978 jusqu’à son inauguration en novembre 1982.
Le Grand « Volcan »
Moqué au cours de ses premières années d’existence par les Havrais qui le surnommaient la « patte d’éléphant » ou le « pot de yaourt, le grand volcan a une forme beaucoup plus élaborée qu’il n’y parait puisqu’elle dépend d’une formule mathématique paraboloïde hyperbolique, utilisée par d’autres célèbres architectes, comme, par exemple, Antoni Gaudí pour la voûte de la Sagrada Família.
Oscar Niemeyer avait déjà appliqué cette formule précédemment pour concevoir sa célèbre cathédrale de Brasilia.
Le grand Volcan s’élève à 22 mètres de hauteur et fait environ 50 mètres de diamètre au niveau de sa base.
Il hébergeait à l’origine une grande salle de spectacle de 1200 places et un cinéma.
Le petit « Volcan »
Le petit volcan est le seul des deux « cônes » qui dispose de fenêtres sur tout son pourtour, ce qui lui donne, vu de la cour, un petit air de soucoupe volante.
Avant sa transformation récente en médiathèque, il hébergeait une salle de spectacle modulable.
Concoction des coques : les deux travaux d’Hercule
La mise en forme des coques blanches de l’Espace Niemeyer à été réalisée grâce à un programme informatique nommé « Hercule », utilisé pour la mise au point de tours de refroidissement de centrales nucléaires. Il était dérivé d’un module de calcul développé par la NASA.
La coque en voile mince
La technique de construction de coque mince en voile de béton est couramment utilisée dans l’architecture moderne, comme, par exemple, pour la double coque de la voûte du CNIT à Paris La Défense.
Sur un coffrage en bois, on verse une fine couche de béton renforcée à l’aide d’armatures en acier pour créer une structure solide.
Pour les 2 Volcans du Havre, le béton à été coulé par tranches de 1,2 m de hauteur sur des coffrages de planches de bois sablé.
Les coques sont composée d’une isolation acoustique et thermique, du voile béton avec un pare-vapeur bitumeux et l’ensemble est recouvert d’une peinture blanche pour assurer l’étanchéité.
Une rénovation inévitable
Au bout de trente ans, la grande sculpture géante que constituait l’Espace Niemeyer s’était figée dans un certain immobilisme : assez peu fréquentée par les Havrais, à part les soirs de spectacles, elle avait fini par les rendre de marbre.
De 2010 à 2015, une reconfiguration des accès extérieurs et la réalisation de nouveaux aménagements à l’intérieur des bâtiments sont mis en œuvre par plusieurs architectes, supervisés de loin par Oscar Niemeyer (jusqu’à sa mort en 2012).
La place anglaise conçue par Niemeyer en espace presque clos bénéficie d’une transformation marquante : elle se veut désormais plus accueillante et est désormais ouverte à un nouvel accès direct sur la chaussée via un grand emmarchement.
Le petit « volcan » reçoit les plus importantes modifications de structure.
L’espace intérieur se retrouve augmenté avec de nouvelles façades vitrées qui s’avancent sur la place basse.
L’ancienne salle modulable est transformée en médiathèque et ses espaces de lecture profitent d’un puits de lumière grâce à la création d’une grande toiture vitrée.
L’intérieur du grand Volcan profite d’améliorations au niveau de l’isolation et de l’acoustique.
Il accueille désormais 3 espaces pour des spectacles : une grande salle de 800 places, une petite salle de 125 places qui remplace l’ancienne salle de cinéma et un café concert ouvert les soirs de spectacle.
Des points de discordance
La rénovation du patrimoine brutaliste s’avère toujours compliquée à mettre en œuvre. Par exemple, le choix de retraiter ou d’isoler les revêtements en béton est toujours sujet à question.
Pour l’espace Niemeyer, les sols en béton à l’extérieur ont été remplacés par des pavés en granit et les sols intérieurs se sont vus systématiquement recouverts par des parquets dans le but de « réchauffer » les espaces. Le dialogue originel purement « brutaliste » entre les sols en ciment peint et le béton brut de décoffrage des murs se retrouve altéré pour les puristes.
La place supérieure s’est vue encombrée de locaux techniques et de grandes jardinières (que j’ai évité de montrer dans ce reportage) qui dénaturent un peu le projet d’Oscar Niemeyer.
L’inversion de la rampe hélicoïdale reliant la place haute à la cour basse justifiée pour des raisons d’accessibilité, si elle n’altère pas le point de vue photographique qui illustre ce reportage, peut aussi poser question.
Au final, si la nécessité de reconfigurer l’accessibilité de l’Espace Niemeyer du Havre et de mettre au normes les parties intérieures était difficilement contestable, une controverse à vu le jour pour certains spécialistes et architectes soucieux de la préservation d’un patrimoine architectural de premier ordre.
Autour de la main d’Oscar Niemeyer
Niemeyer à ajouté, en plus des sculptures d’oiseaux décrites un peu plus haut, une sculpture signature très personnelle.
Cette sculpture fontaine, fixée sur un côté du grand volcan donnant sur la place inférieure, a été réalisée à partir d’un moulage de la main de l’architecte.
Sur ses croquis, Oscar Niemeyer y avait ajouté sa touche poétique :
« Un jour, comme cette eau, la terre, les plages et les montagnes, à tous appartiendrons »
Niemeyer est l’auteur d’une autre sculpture représentant une main ouverte stylisée offrant une fleur.
Réalisée en métal rouge, elle est visible dans le parc de Bercy, à Paris.
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