L‘unité d’habitation de Firminy-Vert clôt la série des 5 unités d’habitations conçues par Le Corbusier dont 4 sont construites en France et une en Allemagne.
De taille extérieure proche de l’Unité d’habitation de référence, la Cité Radieuse érigée à Marseille, celle de Firminy à été formatée pour une cité ouvrière et comporte 1/3 d’appartements en plus.
Si Corbusier était présent pour la pose de la première pierre en 1965, quelques mois avant sa mort, c’est André Wogenscky, son ancien collaborateur qui mènera à terme sa construction en 1967.
Une machine à habiter longtemps grippée
Le Corbusier décrivait lui-mème ses Unités d’habitation comme des « machines à habiter » mais celle de Firminy a eu longtemps du mal à fonctionner et à trouver son carburant : les locataires.
La cause principale est une crise industrielle locale, à l’orée des années 1970, qui a empêché les projections de population de se réaliser.
On pourrait aussi évoquer un attrait mitigé pour cette immense barre pas comme les autres. Si on ne lui accole pas le terme de « fada », comme à Marseille, l’unité de Firminy se voit surnommée plus simplement « le Corbu » et ses habitants sont parfois considérés comme une communauté un peu à part.
Destinée à être un HLM, l’UH (Unité d’Habitation) de Firminy aurait pu accueillir jusqu’à 1600 habitants, contre moins de 1000 aujourd’hui.
Dans les années 1980, 25 ans après sa construction, 1/3 des appartements restaient inoccupés, au point de devoir déplacer une partie des habitants pour pouvoir fermer le coté nord de l’immeuble pendant une vingtaine d’années.
Si cet immense navire en béton, comme le considérait Le Corbusier, à été remis parfois en question par les Appelous (les habitants de Firminy), il a pu naviguer jusqu’à aujourd’hui, grâce à l’accès tardif à la propriété de l’aile nord du bâtiment, à des rénovations financées par l’état et la région, ainsi qu’à son statut de Monument Historique.
Seule unité d’habitation construite à Firminy, sur les 3 initialement prévues, elle est située au sommet d’une colline dominant la cité ouvrière et les autres constructions qui constituent le plus grand projet de Le Corbusier en Europe.
L’extérieur de l’unité d’habitation
Les dessous de la barre
Les piliers sont un élément important qui différencie les unités d’habitation de Le Corbusier, donnant à chaque bâtiment une partie de leur caractère.
L’élégance globale du bâtiment, liée en partie à ses pieds, s’apprécie plus avec une vue à mi-hauteur, comme sur ce plan original.
Le soleil couchant peut illuminer complètement le sous bassement du bâtiment. Les piliers libèrent un espace au sol avec une grande zone couverte, prisée par les enfants.
L’alignement des piliers biseautés de façon alternée permet d’éviter une forme de monotonie que l’on rencontre dans beaucoup d’autres barres d’immeubles.
Aucun local technique ne vient « polluer » les dessous de l’unité d’habitation, seule la cage d’ascenseur et d’escalier centrale divise en deux l’espace sous le bâtiment.
L’unité d’habitation au 4 vents
Le coté Est du bâtiment constitue l’accès principal.
Il fait face à un parking automobile extérieur qui s’est substitué aux parkings souterrain non construits, faute de budget.
2 couleurs rythment les façades à l’intérieur de certaines loggias : un rouge vif colore des plafonds et des murs exposés sud et un bleu d’origine (délavé) recouvre certains murs orientés coté nord.
L’accès à l’intérieur de l’UH ou au parc peut se faire de chaque coté de la cage centrale mais une fresque nous montre clairement les chemins conseillés pour accéder au hall d’accueil ou pour aller directement au jardin.
Les principes mis en œuvre dans la conception de cette unité d’habitation sont clairement évoqués :
– A gauche, 3 illustrations accompagnés des mots, Soleil, Espace, Verdure, issus de la Charte d’Athènes (voir plus bas).
– Au centre, 2 représentations du Modulor, l’homme « gabarit » de Le Corbusier, indiquent son rôle primordial dans la conception du bâtiment, avec la présence de traits horizontaux en creux symbolisant les plafonds ou la hauteur d’une table.
Coté Ouest, un immense parc, formidable terrain de jeu pour les enfants, constitue l’une des composantes importante des unités d’habitation : l’espace d’agrément indispensable qui vient contrebalancer la concentration de l’habitat.
Tout autour de l’UH, des bancs en béton aux dossiers surélevés permettent de s’abriter du vent ou de se protéger de la vue des balcons ?
Coté Sud, le seul pignon de l’unité d’habitation comportant des ouvertures avec des loggias.
Coté Nord, on retrouve un pignon aveugle, comme dans les autres UH, avec un escalier de secours en partie basse.
L’intérieur de la « machine à habiter »
Les rues
Les « rues » de l’Unité d’Habitation de Firminy sont des larges couloirs qui font la quasi totalité de la longueur de l’immeuble et permettent d’accéder aux 414 logements.
Le système d’imbrication des appartements en forme de L, à la façon d’un jeu Tetris, font que beaucoup sont traversants et en duplex, ce qui permet de réduire le nombre de rues intérieures.
Intercalées un étage sur deux, voire sur trois, on ne compte au final que 7 rues pour 17 étages de logements sur les 20 niveaux du bâtiment.
Comme dans les 3 autres unités d’habitation françaises, les rues intérieures sont cotées au Molidor, l’outil de mesure de Le Corbusier :
- Le plafond est à 2,26 m ce qui équivaut à 1 Molidor bras tendu.
- La largeur de couloir est de 2,96 m, soit 1 Molidor de 1,83 m + 1,13 m (qui correspond à la hauteur de son nombril).
Le code couleur différent des portes permet aux enfants de retrouver leur appartement plus facilement.
Comme dans les vraies rues extérieures, quelques règles devaient être respectées. Ainsi, dans les premières années, le gardien de l’immeuble était habilité à donner des amendes aux parents des enfants qui faisaient du vélo dans ces couloirs !
A la différence de la Cité Radieuse de Marseille, aucun étage avec des commerces n’est implanté à l’intérieur de l’UH, puisque qu’un centre commercial était prévu en dehors, si les deux autres unités avaient été construites.
Les panneaux en bois colorés qui encadrent chaque appartement intégraient un casier de livraison accessible des deux côtés : un système avant-gardiste, pour l’époque, qui permettait la livraison du journal, du lait ou du pain et des croissants !
Au milieu du bâtiment près des ascenseurs, on trouve 7 « clubs », des espaces communs réservés aux habitants de chaque rue.
L’appartement témoin
Le duplex de l’appartement témoin comporte une cuisine ouverte sur une salle à manger avec loggia au premier niveau et un second niveau traversant d’Est en Ouest avec 3 chambres, un WC, un couloir avec une baignoire et un lavabo.
Une partie du Mobilier est de Pierre Guariche, un célèbre designer français du XXe siècle.
Le Modulor, détermine, ici aussi, la taille des pièces, des meubles ainsi que la hauteur de plafond.
La chambre parentale à accès à deux couloirs qui donnent sur les chambres d’enfants, dont un qui fait office de salle de bain avec une baignoire et un lavabo, et l’autre qui relie l’escalier à toutes les pièces de l’étage.
Deux ouvertures sans fenêtres, l’une au dessus de l’escalier et l’autre au dessus de la salle à manger.
Les 2 chambres d’enfants aux mesures du Modulor sont étroites mais un espace de jeu peut être créé grâce à une grande cloison coulissante.
Elles disposent aussi d’une grande loggia commune.
Dans les années 1960, cette configuration d’appartement tout équipé avec le mobilier, les sanitaires et l’eau courante était une nouveauté pour beaucoup de familles ouvrières qui étaient habituées à beaucoup moins de confort.
L’école maternelle
Occupant les deux derniers étages du bâtiment et agrémentée d’un toit-terrasse, l’école de 3 000m² est la plus grande réalisée par Le Corbusier, qui avait déjà mis au point ce concept sur les toits de ses « villes verticales » à Marseille et Rézé.
Ouverte pendant trente ans, jusqu’à la fin des années 1990, elle comprenait huit classes ainsi qu’une cantine et des ateliers.
Coté Est, un long couloir agrémenté de fenestrons colorés, de bancs et de porte-manteaux, donne accès aux salles de classe.
Coté Ouest, l’enfilade des salles modulables, séparées par de grandes cloisons coulissantes.
Toutes les classes disposent d’un immense espace vitré, qui offre une vue sur les monts du Forez.
Le premier niveau de l’école donne sur une cour de récréation.
Enfin, une rampe d’accès relie l’école directement au toit, dans l’esprit de celle qui initie la promenade architecturale de la Villa Savoye, une constante de Le Corbusier que l’on retrouve, sous une autre forme, dans la Maison La Roche à Paris.
Coté sud, on trouve un mini théâtre de plein air (non accessible lors de ma visite), et coté nord une grande cour de récréation.
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Les préceptes de Le Corbusier mis en oeuvre pour l’UH de Firminy
Architecture nouvelle
L’immeuble est construit sur pilotis et on retrouve aussi les façades libres, sans murs extérieurs porteurs, ainsi qu’un toit terrasse, des fondamentaux faisant partie des 5 points de l’architecture nouvelle énoncés par Le Corbusier dans les années 1920.
Charte d’Athènes
Le Corbusier déclare appliquer, pour la conception des unités d’habitation, des principes émanant de la célèbre Charte d’Athènes à laquelle il avait contribué en 1933.
Ainsi, les matériaux de l’urbanisme seraient, par ordre d’importance : le soleil, l’espace, la verdure, et enfin le ciment et l’acier.
Pour ce qui concerne le soleil, il éclaire des appartements, souvent traversants avec de grandes baies vitrées, agrémentés de loggias, qui jouent le rôle de brise-soleil l’été.
Modulor
L’homme gabarit de Le Corbusier, qu’il à mis au point dans les années 1950, est partie prenante de toutes les unités d’habitation.
A Firminy, il détermine la hauteur des plafonds, la taille des pièces, des couloirs, du mobilier, et celle du bâtiment de 130 m de long par 21 m de large et 57 m de haut.
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