Pendant la deuxième guerre mondiale, la ville du Havre a vu son centre-ville complètement dévasté par les bombardements. La moitié des 20 000 immeubles qui le constituaient ont été détruits, transformant au passage 160 000 habitants en sans-abri.

Le projet de reconstruction confié à l’atelier d’architecture dirigé par Auguste Perret, va lui offrir l’occasion de réaliser le rêve de beaucoup d’architectes : imaginer une ville nouvelle à partir d’une feuille (presque) blanche.

Dans la ville aux constructions standardisées qui va naître, une nouvelle église en béton armé se distingue par son style brutaliste sans fioritures et s’affiche comme un phare pour les voyageurs arrivant en bateau d’Angleterre ou des États-Unis.

Passerelle du bassin du commerce du Havre et clocher de l'église Saint-Joseph
Passerelle du bassin de commerce devant le volcan d’Oscar Niemeyer et le clocher de l’église Saint-Joseph.

L’église Saint-Joseph du Havre

Dominant la ville du haut de ses 107 mètres, l’église Saint-Joseph, classée aux monuments historiques depuis 2018, remplace une ancienne église paroissiale détruite en 1944.

Extérieure de l'église Saint-Joseph au Havre

Si Auguste Perret est à l’origine des différentes études pour l’église, sa mort en 1954 l’empêche de participer totalement à sa construction et plusieurs architectes lui succèdent pour terminer la réalisation du beffroi.

Vue de l’extérieur, l’église est constituée d’un empilement de formes géométriques : elle comporte une base carrée qui se transforme en octogone grâce à des formes pyramidales et des triangles inversés.

Les fondations du bâtiment reposent sur 71 pieux d’une longueur de 15 m, un socle en béton de 2 mètres d’épaisseur et 16 piliers qui soutiennent l’édifice.

Intérieur du beffroi de l'église Saint-Joseph du Havre

L’intérieur de l’église ne comporte pas de structure de soutien dans sa zone centrale, ce qui constitue une véritable prouesse architecturale et d’ingénierie.

Structure intérieure en béton de l'église Saint-Joseph du Havre


Une poussée de plusieurs milliers de tonnes s’exerce dans les angles de la tour-lanterne, qui comportent chacun 4 piliers en béton reliés par des sections en croix.

Lumières colorées dans l'église Saint-Joseph au Havre

Si l’intérieur de l’église ne présente que du béton brut de décoffrage, les projections de lumières colorées provenant des vitraux viennent l’égailler quelque peu.

Ces vitraux, aux motifs géométriques, sont composés par des verres colorés soufflés à l’ancienne. Ils ont été enserrés dans des carrés de béton par l’artiste peintre et maître verrier Marguerite Huré.

Vitraux de l'église Saint-Joseph du Havre

En l’absence de vitraux ayant une représentation religieuse figurative, le lien avec la théologie chrétienne se fait symboliquement par une dominante de couleur différente pour chacune des faces intérieure du beffroi.

Le centre-ville reconstruit du Havre

Immeuble Auguste Perret au centre-ville du Havre

En 1945, Auguste Perret organise un concours interne dans son atelier auquel participent plusieurs jeunes architectes. Plusieurs projets de réorganisation du centre-ville du Havre en ressortent.

Le projet retenu par la municipalité du Havre comporte la surélévation des voies de circulation à 3,50 m du sol et l’implantation du centre-ville sur une plate-forme, comme Auguste Perret l’avait déjà expérimenté à petite échelle pour le Mobilier national à Paris. Le but est de mettre toutes les canalisations à sec et de prévoir une circulation inférieure avec des services en rez-de-chaussée.

Ce projet d’urbanisme sur dalle aurait pu être précurseur des quartiers réalisés en France dans les années 1970, comme la grande dalle la Défense à Paris ou le quartier Mériadeck à Bordeaux, mais l’idée de surélever le centre-ville en entier provoque un rejet des Havrais et cette composante importante du projet n’est finalement pas mise en œuvre.

Immeubles d'Auguste Perret sur les quais du Havre

Les cordeaux longs d’une architecture monotone ?

L’ensemble du centre-ville du Havre est classée au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 2005, portant à notre intérêt l’importance de ce projet architectural du milieu du XXe siècle qui consacre l’école du classicisme structurel.

Les principes de reconstruction du centre-ville se fondent sur une certaine standardisation de l’habitat via l’application d’une trame modulaire.

Quand Le Corbusier « s’amusait » avec des modules de 5 m de long pour construire les maisons de sa petite cité ouvrière de Frugès, Auguste Perret met en place une trame de 6,24 m qui va s’appliquer aux constructions, comme à l’urbanisme en général.

Immeubles Auguste Perret Le-Havre

Le choix du béton préfabriqué, teinté dans la masse, est réalisé pour des raisons pratiques et économiques. Il permet à Auguste Perret et aux architectes associés au projet de reconstruire le cœur de la ville en 20 ans.
Mais la bétonisation du Havre se fait dans une certaine adversité et des habitants s’associent et luttent pour la conservation de vestiges de l’ancien centre.
Certains immeubles anciens seront donc sauvés de la destruction grâce à une série d’arrêtés de protection au titre des monuments historiques.

Hôtel de ville du Havre
L’hôtel de ville et son jardin, œuvre d’Auguste Perret et Jacques Tournant.

A l’austérité d’une architecture extérieure répétitive tracée au cordeau, l’architecte jusqu’au-boutiste ajoute une interdiction : les arbres ne seront pas présents dans l’espace urbain, hors jardins, car cela empêche de voir les belles constructions…

Si la végétation a été ré-introduite par endroits dans l’espace urbain du centre-ville du Havre, la nouvelle rue de Paris, qui a remplacé la rue la plus animée d’avant-guerre, est restée dans son jus, un peu monotone, malgré la présence depuis 2017 d’une sculpture colorée, la Catène de Containers.

Sculpture Catène de Containers

Cette artère principale du Havre a été conçue comme une rue commerciale avec des galeries protégeant de la pluie, dans l’esprit de la rue de Rivoli à Paris. Les immeubles réalisés appliquent les préceptes d’Auguste Perret, mais pour ceux qui s’intéressent aux détails, on peut observer que les colonnes ont des sections différentes.

L’appartement témoin Perret

La Maison du Patrimoine du Havre propose la visite d’un appartement réaménagé avec des meubles d’origine.

Escalier dans un immeuble d'Auguste Perret au Havre

L’escalier d’un immeuble d’Auguste Perret permet de voir la variété des rendus de matière du béton qui, par endroits, imite la pierre taillée.

Mobilier intérieur appartement Perret

A l’intérieur, l’appartement traversant correspondant à 2 modules de 6,24m, soit la largeur de l’immeuble, comporte de part et d’autres de grandes fenêtres et se révèle très lumineux.
Le mobilier installé, d’une qualité soignée, était produit à l’époque en série.

Chambre appartement témoin Auguste Perret

Cet appartement témoin permet aussi de découvrir les aménagements modernes proposés par l’Atelier Perret à l’époque de la construction avec cuisine et salle de bains intégrées et un chauffage collectif à air pulsé.

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