L’architecte d’origine allemande, Martin Schulz Van Treeck, élève de Jean Ginsberg, à conçu dans les années 1970 les Orgues de Flandre, un ensemble d’immeubles d’habitations à caractère social dans le quartier de la Villette, au cœur de Paris.
Architecture origamesque pour un face-à-face brutaliste
Avec leurs encorbellements spectaculaires, deux immeubles, parmi les six constructions qui constituent les Orgues de Flandre, continuent d’impressionner, depuis les années 1970, des architectes comme des photographes passionnés d’architecture.
Ne faisant pas exception à la règle, cela faisait longtemps que j’avais coché dans ma « bruta-liste » parisienne ces deux constructions sur l’avenue de Flandre.
Orgues V & VI, le logement social Escher
Se développant dans l’espace comme le ferait un origami ou une construction impossible de l’artiste Néerlandais M. C. Escher, ces deux immeubles aux profils imposants et symétriques semblent défier la perspective.
Vues du jardin d’enfants, les pièces maîtresses de l’architecture de Martin Schulz Van Treeck apparaissent comme un grand jeu de construction à l’équilibre incertain.
Ruches parisiennes
Les orgues de Flandre V & VI montrent leurs balcons en encorbellements généreux et leurs fenêtres en forme de nid d’abeille sur l’avenue de Flandre.
Les Orgues de Flandre, l’architecture d’un point de vue humain
Respiration
A l’échelle d’une passante, l’architecture en escaliers des Orgues V & VI côté jardin apporte de l’espace et une forme de respiration, à la différence de l’architecture purement verticale des tours.
Empilements
Comme beaucoup de grands projets de logements des années 1970, les constructions des Orgues de Flandre devaient malgré tout respecter les préconisations de verticalité et de densité d’habitation d’un plan d’urbanisme Parisien mis en place vers la fin des années 50.
L’une des conséquences des plans d’urbanisme en France avait été la construction de grands ensembles d’immeubles sans originalité, destinés aux catégories sociales les plus pauvres, principalement dans les banlieues françaises.
Orgues à Smic
Bien avant que la loi française oblige, dans les années 2000, à construire au moins 20% de logement social à l’intérieur des villes, le vaste programme de logements sociaux des Orgues de Flandre est réalisé en plein cœur de Paris, dans le quartier de la Villette.
il vient à l’emplacement de la « Cité des Flamands« , une ancienne cité ouvrière, érigée au milieu du XIXe siècle, qui était devenue vétuste.
Conception assistée
Avec les Orgues de Flandre, Martin Schulz Van Treeck décide de rompre avec la banalité des constructions de son époque et il cherche à intégrer, malgré le gigantisme du projet, une approche humaine dans la conception des espaces de circulation et d’habitation.
L’architecte peut à cette occasion réaliser son rêve : concevoir une architecture perceptible d’un point de vue humain, à l’aide du « Relatoscope », un procédé de prise de vues qu’il place à l’intérieur de ses maquettes.
Les Orgues de Flandre, comme la Grande Arche que j’ai eu l’occasion d’évoquer dans un précédent reportage, permettent à des architectes de mettre en œuvre, chacun à leur manière, une conception de l’architecture intégrant le vide.
Erections en béton
L’ensemble des constructions des Orgues de Flandre à été réalisé entre 1973 et 1980 sur l’îlot Riquet, un espace d’environ 6 hectares.
Construites en béton armé, une grande partie de leur façades étaient recouvertes à l’origine de carreaux en céramique blanche dans le but de réfléchir la lumière.
Pour la partie habitation, les Orgues de Flandre réunissent 1950 appartements dans 4 tours de 25 à 39 étages et deux immeubles de 15 étages.
- La tour Prélude, R+39 et 123 mètres de haut.
- La tour Fugue, R+35 et 108 mètres de haut.
- La tour Cantate, R+30 et 101 mètres de haut.
- La tour Sonate R+25 et 90 mètres de haut.
- Les 2 immeubles Orgues de Flandre V & VI de 48 mètres de haut.
D’autres plus petits bâtiments font partie du lotissement à l’origine, comme une école primaire, un centre sportif, des ateliers d’artisans ou encore une maison de retraite.
En 2008, l’ensemble architectural est classé au patrimoine du XXe siècle.
Un architecte à la baguette
Les constructions des Orgues de Flandre se sont vues donner des noms de formes instrumentales, ou vocales, de la musique classique, en lien avec l’orchestration de certains éléments de l’architecture de Martin Schulz Van Treeck.
Les tours, constituées d’espèces de fûts accolés de différentes hauteurs, comme un orgue liturgique, sont à l’origine du nom des Orgues de Flandre donné à l’ensemble des bâtiments.
On remarque aussi, par exemple, au dessus des portes d’entrées, des ouvertures d’aération qui rappellent des touches de piano.
La composition espacée des fenêtres sur les façades carrelées blanches peut aussi évoquer les perforations des cartons utilisés pour les orgues mécaniques de Barbarie.
Concernant le revêtement des façades en céramique blanche Butchtal, Martin Schulz Van Treeck souhaitait s’inspirer du système carrelé recouvrant l’opéra de Sydney, mais les contraintes budgétaires lui firent simplifier son projet.
Prélude au chaud
Prélude, la plus haute tour d’habitation de Paris, a été la première à être rénovée entièrement au milieu des années 2010 et « mise au chaud » par le bailleur social I3F dont le but principal était de faire baisser les charges de chauffage de 40 %.
Isolée de l’extérieur, la tour Prélude s’est parée de béton blanc sur les deux premiers étages, puis de plaques d’acier blanches avec un motif rappelant un peu la céramique d’origine.
Sonate, l’autre tour de locataires, est la deuxième à avoir été rénovée.
Quant aux deux dernières tours, Fugue et Cantate, elles attendront l’accord des propriétaires.
L’ex cité
De l’ancienne cité ouvrière des flamands il ne reste presque rien : seul le portail d’entrée a été sauvé grâce à François Loyer, historien d’art et d’architecture.
Le Relatoscope
Inspiré par le principe de l’endoscope, dont son père médecin était un spécialiste allemand, Martin Schulz Van Treeck à créé et mis lui-même au point son « Relatoskop ».
Il s’agissait d’un outil qui lui permettait de photographier ou de filmer à l’intérieur des maquettes en volume, un peu comme on le fait aujourd’hui avec les rendus 3D.
Son Relatoscope était constitué d’une longue tige d’environ 12 mm de diamètre montée sur l’objectif d’un appareil photo ou d’une caméra.
L’extrémité de la tige était dotée d‘un miroir et placée à quelques millimètres du sol de la maquette pour simuler un point de vue d’une hauteur humaine.
Pour en savoir plus sur le Relatoscope
Martin Schulz Van Treeck fait partie d’une lignée d’architectes à avoir eu la démarche de se placer du point de vue de l’humain.
Pour en savoir plus sur cet architecte méconnu, je vous recommande le mémoire de master de Jules Cornot : « Martin Schulz van Treeck (1928-1999), Architecture espace ou objet ? »
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