Les 3 premiers bâtiments du siège de l’Unesco à Paris ont été conçus et construits dans les années 1950 par un trio d’architectes, Marcel Breuer, Bernhard Zehrfuss et Luigi Nervi, chapeauté par un comité international, composé de cinq illustres confrères, dont Le Corbusier, Lucio Costa (Brasilia) et Walter Gropius (fondateur du Bauhaus).
Cet assemblage de 8 architectes réputés, a permis d’imposer plus facilement aux pays membres de la naissante Unesco, une architecture fonctionnaliste sans compromis.
Parmi les 3 œuvres construites en 1958 sur un ancien terrain militaire de 3 hectares proposé par la France, deux d’entre elles, reliées par une salle des pas perdus, vont devenir emblématiques de l’architecture brutaliste du XXe siècle.
Un bâtiment au formes trapézoïdales accompagné d’une construction sur pilotis de 7 étages en forme d’étoile à trois branches vont constituer le point de convergence de tous ces architectes, éminents spécialistes du béton.
Bâtiment des conférences de l’Unesco
Trapèzes porteurs
Véritable icône du brutalisme en France avec son air de soufflet d’accordéon et ses 3 000 tonnes de béton, le pavillon des conférences se fait aussi remarquer par le parti pris de ses grandes façades aveugles, aux formes trapézoïdales, comme le motif en relief qui les anime ou encore son toit (vu du ciel).
Ses caractéristiques formelles, comme le moulage en creux du béton, font apparaitre l’influence de Marcel Breuer sur ce bâtiment.
Le profond effet de cannelage, réalisé en voile de béton, permet d’augmenter la résistance des 2 murs porteurs inclinés qui soutiennent les extrémités du toit, tout en leur conférant une certaine finesse (35 cm d’épaisseur).
Les renfoncements constituent aussi des « pièges à sons » pour parfaire, à l’intérieur, l’acoustique des salles de conférences.
De chaque coté du bâtiment, des façades libres (non porteuses) permettent d’intégrer des sections vitrées avec une grande liberté avec d’autres parties murales recouvertes de pierres de parement en travertin provenant d’Italie.
Hall d’entrée central
La toiture en voile de béton, recouverte de cuivre à l’extérieur, est constituée de 2 pentes inversées qui se rejoignent au dessus d’un grand hall au centre du bâtiment. Elle y est soutenue par une rangée de piliers imposants, bruts de décoffrage.
Ces 6 piliers ont la particularité d’avoir une section ovale à leur base et de se terminer par une section rectangulaire très allongée, ce qui, de profil, leur donne aussi un forme de trapèze.
La technique pour passer d’une forme à l’autre est assez simple puisque qu‘elle consiste à créer, comme dans une vue 3D simplifiée, une section plate qui part du bas de la colonne et qui s’élargit sur la hauteur.
Grand auditorium
Le pavillon héberge plusieurs salles de réunions et 2 salles de conférences dans lesquelles ont retrouve l’envers de « l’accordéon » de béton brut en fond de scène, comme au plafond.
Points de convergences dans ce blog :
- L’architecture « du carré au rond » de l’église de Firminy.
- La maison de la Culture trapézoïdale de Le Corbusier.
- Les voutes en voiles de béton brut du Cnit de Bernard Zehrfuss ou de l’auditorium de Lyon d’Henri Pottier.
- La variété des coffrages en béton du siège du PCF par Oscar Niemeyer.
- En quête de béton cannelé à Bordeaux
Secrétariat du siège de l’Unesco
Né sous une bonne étoile
En forme de Y, le secrétariat de l’Unesco a vu sa hauteur limitée à 31 mètres et ses branches ont été arrondies pour respecter le plan de la place Fontenoy qui se situe dans l’axe du Champ de Mars, de la Tour Eiffel et du palais de Chaillot.
Architecture transparente, élevée à 5 mètres du sol grâce à 72 piliers en béton alignés en doubles rangées, cette-ci affiche sans fioritures les matériaux bruts qui la constituent : béton, verre et acier, mais aussi pierres de dallages et de parement ou bois du mobilier qui proviennent de plusieurs pays membres de l’Unesco.
Coté sud, les bandeaux vitrés donnant sur la « Piazza » sont protégés par des lames brise-soleil surmontées de verre teinté qui filtrent les rayons infra-rouges, tout en laissant passer les ultra-violets.
Des panneaux de travertin verticaux sont disposés de manière alternée, un étage sur deux, permettant de rythmer la façade.
Bernard Zehrfuss, en tant qu’architecte en chef du projet, a supervisé plus particulièrement ce bâtiment, même si les 2 autres architectes y ont apporté significativement leur patte.
L’auvent massif en béton aux allures de « cornette religieuse », profite, comme les piliers des bâtiments, de l’expertise de Luigi Nervi, qui, en plus d’être architecte, était surtout ingénieur.
Coté Est, la façade, très similaire, se voit retirer les filtres en verre (moins indispensables le matin) et l’auvent est remplacé par un escalier central de secours en béton préfabriqué.
L’escalier de secours illustre le fonctionnalisme qui prévaut dans tous les bâtiments :
Composé de 151 marches d’un poids de 65 kg, chaque marche peut supporter jusqu’à trois personnes.
La colonne centrale cache une colonne d’eau et l’on peut trouver à chaque étage un raccord pour le branchement d’un tuyau de pompier.
Coté ouest, la façade Fontenoy de l’Unesco (à droite) ne présente aucune saillie pour s’accorder au mieux avec les autres bâtiments donnant sur la place.
A l’extrémité Est, une terrasse extérieure, en partie couverte par le premier étage du secrétariat, constitue le point de rencontre entre les principaux bâtiments qui permet d’apprécier les composantes des différents styles d’architectures brutalistes.
A l’extérieur, le travertin est la principale pierre « élue » qui vient casser la monotonie du béton. Elle décore les trois premiers bâtiments de l’Unesco en habillant par intermittence les façades, et plus encore, les 3 pignons du secrétariat.
Le travertin de Tivoli, en Italie, est une pierre naturelle appréciée pour sa beauté et sa durabilité. Elle a beaucoup été utilisée dans l’architecture romaine antique et continue d’être prisée dans des projets architecturaux contemporains pour sa texture.
Rez-de-chaussée du secrétariat
Le secrétariat de l’Unesco, grâce à sa forme en Y, possède un point de convergence central qui permet de concentrer des parties techniques et de réguler (ou faire se rencontrer) le millier de personnes qui peut occuper le bâtiment.
L’économie de matières, qui définit l’architecture des trois premiers bâtiments, conditionne la forme et l’esthétique des piliers en fonction de la charge qu’ils supportent.
Espacés de 6 mètres à leur base, ces piliers ont une autre fonction que celle de soutenir la structure, puisqu’ils peuvent être traversés par une conduite d’évacuation d’eau.
Points de convergences dans ce blog :
- Variété des coffrages et pierres apparentes, le style brutaliste de Marcel Breuer pour la station de ski de Flaine.
- Les 5 points de l’architecture nouvelle selon Le Corbusier.
Pavillon des délégations
Un cube au fond du jardin
Un peu à l’écart et sans liaison couverte avec les deux autres bâtiments, le pavillon des délégations et des organisations non-gouvernementales se retrouve à l’extrémité d’un jardin japonais, créé à l’origine du projet par le sculpteur Isamu Noguchi.
Le petit bâtiment carré surplombe le « Jardin de la paix » et ses deux chosubachi (bassins au style ancien).
Il reprend les mêmes éléments vitrés que le secrétariat, avec des parties de façades en travertin, et repose sur des piliers aux formes trapézoïdales qui lui sont propres.
Le jardin vient ajouter 80 tonnes de pierres ainsi que de nombreux arbres, offerts et acheminés depuis le Japon, pour aider à méditer dans l’enceinte de l’Unesco.
De la Maison au Palais de l’Unesco
Originellement nommé « Maison de l’Unesco », l’ensemble architectural se voit aussi appelé « Palais », peut-être en raison de son agrandissement et des extensions qui ont été ajoutées après sa construction.
L’extension enterrée de Bernard Zehrfuss
5 ans seulement après l’emménagement de l’Unesco, le nombre d’états membres ayant augmenté d’un tiers, les 3 bâtiments originaux ne sont plus suffisants pour accueillir toutes les délégations.
Un nouvel appel d’offre est fait aux 3 architectes qui proposent alors l’érection d’un nouvel immeuble de 15 étages, refusé par la commission des sites de Paris.
Bernard Zehrfuss, qui se retrouve seul pour soumettre un nouveau projet, s’inspire alors de villas semi-enterrées visitées dans la cité romaine de Bulla Regia, en Tunisie pour proposer une architecture enterrée sous la place principale.
Autour de six patios apportant lumière et silence, deux étages de bureaux sont enfouis dans le sous-sol, supprimant un parking extérieur et restituant une partie de la place centrale sans faire de l’ombre (au sens propre, comme au sens figuré) aux deux bâtiments iconiques originaux.
De larges haies entourent les patios afin de garantir une certaine confidentialité aux cours intérieures.
Bernard Zehrfuss construira deux autres bâtiments pour l’Unesco dans les années 1960-1970 dans le même quartier : l’annexe Miollis (Unesco V) et l’annexe Bonvin (Unesco VI). A ce sujet, voir l’article de la façade au carré.
Points de convergences dans ce blog :
L’extension Zen de Tadao Andō
En 1995, l’architecte japonais Tadao Andō est autorisé à ajouter une 5e petite construction en béton au siège de l’Unesco.
Son « Mémorial de la Paix » a pour fonction de commémorer le cinquantième anniversaire des bombardements atomiques d’Hiroshima et de Nagasaki.
Cet espace de méditation prend la forme d’un cylindre en béton brut marqué de perforations. Il mesure environ 9 m de haut par 6 mètres de diamètre et son sol en granit provient des décombres d’Hiroshima.
Avec cette dernière construction, le site de l’Unesco de la place de Fontenoy apparait définitivement achevé et ne verra probablement plus aucune construction pouvoir venir s’y ajouter.
Point de rencontre d’artistes dans la Maison de l’Unesco
Dès la construction de l’édifice, un « comité pour l’architecture et les œuvres d’art » avait été constitué pour sélectionner les premiers artistes internationaux qui auraient le privilège de proposer une œuvre à des endroits précis.
Par la suite, de nombreuses autres œuvres d’art sont venues s’ajouter à la collection.
Parmi les œuvres implantées dans la Maison de l’Unesco que vous pouvez apercevoir dans certaines photos de cet article, on retrouve des sculptures d’Henry Moore (ci-dessus), d’Alexander Calder (devant l’auvent du secrétariat), « l’Homme qui marche » d’Alberto Giacometti (à l’intérieur du Secrétariat), une fresque de Jean Bazaine (sous le pavillon des délégations) et une fresque de Picasso…
Patrimoine brutaliste et Unesco
Si l’ensemble de la Maison de l’Unesco n’est pas classé au patrimoine Mondial, on peut être assuré de sa pérennité et de sa bonne conservation par l’organisation internationale qui en a largement les moyens.
Après 40 ans de bons et loyaux services, un programme de travaux important s’est déroulé dans les années 2000 pour restaurer complètement les bâtiments administratifs ainsi que les cours enterrées.
Réfection des façades, des vitrages, des brises soleil, de l’étanchéité des terrasses et réaménagement complet des intérieurs et des réseaux techniques ont redonné un coup de jeune à ces bâtiments.
Une nouvelle entrée a été aussi créée avenue de Suffren, donnant directement accès de l’extérieur au bâtiment des conférences.
Le siège de l’UNESCO peut se visiter par intermittence, à l’occasion des journées du patrimoine ou de visites guidées.
L’architecture brutaliste en France, classée au patrimoine mondial de l’Unesco
- Le Corbusier :
- Les Maisons La Roche et Jeanneret
- La Cité Frugès
- Villa Savoye et loge du jardiner
- Immeuble locatif à la Porte Molitor
- L’Unité d’Habitation Cité Radieuse de Marseille
- La Chapelle Notre-Dame-du-Haut à Ronchamp
- Le Couvent Sainte-Marie-de-la-Tourette
- La Maison de la Culture de Firminy
- La Manufacture à Saint- Dié
- Cabanon de Le Corbusier à Roquebrune-Cap-Martin
- Le Havre d’Auguste Perret
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