Fin 2025, à presque 50 ans, le Centre national d’art et de culture Georges-Pompidou a fermé temporairement ses portes pour subir sa première rénovation majeure depuis son ouverture : une opération à cœur ouvert assortie d’un lifting, prévue jusqu’en 2030.
Ovni disruptif de l’architecture moderne, Beaubourg (pour les intimes) est pourtant loin d’être constitué comme un être humain, ou même un bâtiment classique, car il arbore à l’extérieur ses fonctions vitales, dont son fameux « tube digestif » transparent, passage obligé pour les visiteurs du musée d’art moderne.
Ses deux concepteurs, les architectes Renzo Piano et Richard Rogers, en mettant en avant les fonctions techniques et de circulation du bâtiment, ont radicalisé certains principes du Fonctionnalisme, le courant initié par Walter Gropius (du Bauhaus), décliné au XXe siècle par des figures comme Louis Sullivan, Adolf Loos ou Le Corbusier.
Conceptualisation de la couleur et architecture
Les gaines et les espaces de circulation du Centre Pompidou qui s’affichent en façade, comme à l’intérieur, sont revêtus par des teintes primaires ou du blanc pour indiquer aux visiteurs leur fonction.
L’architecture s’efface ainsi devant des marqueurs symboliques, des conduits aux couleurs communicantes.
Leur externalisation tout autour du bâtiment permet, de facto, de libérer de la place à l’intérieur et de rendre les espaces très modulables.

Quand le Centre Pompidou accueillait une exposition sur Le Corbusier : l’occasion de rappeler que cet architecte utilisait déjà, lui aussi, la couleur comme marqueur technique ou architectural.
Pour citer un exemple concordant avec Beaubourg : à l’intérieur du Couvent de la Tourette (article à venir), des couleurs basiques, bleu, rouge, vert, ou jaune, rythment les tuyauteries, portes, meubles et éléments structurels.
La façade expérimentale et technique la plus radicale du bâtiment se trouve à l’arrière et présente des conduits verticaux et horizontaux colorés avec les 5 teintes du nuancier du Centre Pompidou.
Dans une rue Beaubourg, relativement étroite et encombrée par la circulation automobile, qui empêche d’appréhender le bâtiment dans son ensemble, j’ai créé cette vue panoramique du Centre Pompidou, juste avant que ne démarre sa rénovation de 2025-2030.

Beau, comme beaubourg ?
C’est la question qui fâche le monde entier depuis le premier jour ou les galeries de vermisseaux du bâtiment sont sortis de terre.

Cette architecture expérimentale, qui n’aurait pas dépareillé dans un environnement industriel, à fait scandale en 1977 (et continue encore de diviser), d’autant plus qu’elle s’insérait au cœur d’une ville de Paris dominée par l’uniformité de l’architecture Haussmannienne.
Avec son principe d’assemblage de Meccano, posé comme un jouet d’enfant au milieu d’immeubles « adultes », le vilain canard de l’architecture du XXe siècle est resté un spécimen unique au monde, qui repousse l’idée du beau en architecture.
Le code couleur circulatoire du Centre Pompidou

Particulièrement prégnant sur la façade arrière du bâtiment, le code couleur du Centre Pompidou se retrouve aussi à l’intérieur, principalement le long des couloirs ou au plafond.

Le nuancier des architectes du Centre Pompidou comporte 5 teintes signifiantes :
Le rouge pour les circulations du public et des objets (escalators, ascenseurs et monte-charges).
Le bleu, pour l’air (climatisation et ventilation). C’est la couleur la plus massivement représentée, en particulier sur la façade arrière et sur l’ensemble des plafonds.
Le vert, pour l’eau (sanitaires, climatisation et bornes incendie) identifie les canalisations hydrauliques.
Le jaune, pour l’électricité (chemins de câbles, transformateurs et gaines électriques).
Le blanc, pour les tours de refroidissement extérieures sur le toit et tout autour de la place (tubes de différentes grosseurs en forme de périscope) ainsi que, d’une manière générale, pour toute la structure métallique.

Le Centre Pompidou ou la mécanique des fluides

Le bâtiment principal qui héberge un musée d’art moderne, une bibliothèque, des galeries d’expositions ainsi que des salles de spectacles et de cinéma, se voit traversé, en fonction des années, par 8 000 à 10 000 personnes par jour.
C’est l’un des centre d’art les plus visités de Paris après le Louvre et la Gare d’Orsay et l’un des vingt plus fréquentés au monde.
Le Centre Pompidou, qui a vocation à absorber des flux importants de visiteurs, privilégie l’architecture du vide.
A l’intérieur, libérés en partie des canalisations techniques, de grands plateaux peuvent se remplir et se désemplir tout au long de la journée.
A l’extérieur, les deux concepteurs, Renzo Piano et Richard Rogers, ont choisi de créer aussi un grand vide, sous la forme d’une place qui occupe une surface équivalente à celle du bâtiment, le libérant ainsi du carcan constructif très dense dans ce quartier de Paris.
Ainsi, les visiteurs arrivent par une place publique en pente, véritable « déversoir », qui les entraîne naturellement vers le bas et vers une seconde place située à l’intérieur : le Forum. Cet immense hall d’accueil fait office de répartiteur pour le flux humain : d’un coté ceux qui vont directement à la bibliothèque, et de l’autre les visiteurs du musée d’art moderne (ou des expositions temporaires) qui sont renvoyés dans le passage obligé que constituent les tubes de circulation extérieurs.
La circulation humaine
La Piazza

La pente douce artificielle (11%) inspirée par des places italiennes, est suffisante pour inciter de nombreux visiteurs à s’asseoir par terre devant le bâtiment. Elle génère aussi un attrait particulier pour les bateleurs et autres animateurs de rues.
En savoir plus sur la Piazza du Centre Pompidou.
Le Forum
Le hall d’accueil du Centre Pompidou est un vaste espace central traversant qui occupe la surface d’un plateau (environ 7 500 m²) et qui occupe, à lui seul, 15% de la surface utile accessible au public.
Son plafond culmine à près de 10 mètres (contre 7 m pour les autres étages) et dévoile, pour qui lève les yeux, toute la tuyauterie apparente au plafond, comme dans tout le reste du bâtiment.

De part et d’autre du forum, on retrouve le code couleur rouge, symbolique de la circulation des humains et des objets sur les cotés des Escalators
Une mezzanine, qui ceint trois côtés du forum, accueille des espaces fonctionnels comme un espace de jeux pour enfants ou de restauration rapide. Elle constitue la zone d’accès aux autres étages du bâtiment.
Les tubes à escaliers mécaniques

Surnommée « la chenille », la succession de tubes transparents qui abrite des Escalators, est l’acte architectural symbolique du bâtiment, qui parcoure la façade principale en diagonale et permet d’accéder aux principaux lieux d’exposition.

La chenille constitue, in fine, le vecteur d’une promenade architecturale verticale à vitesse contrôlée, qui permet d’observer les enchevêtrements techniques des autres tubes de la façade ou d’admirer progressivement Paris.

Les ascenseurs

Encadrés de rouge, comme les monte-charges, les ascenseurs sont accessibles à partir des passerelles extérieures.
Les passerelles

Les passerelles sont plus ou moins couvertes, selon les étages, et longent toutes la façade principale du Centre Pompidou.
Elles sont reliées principalement aux entrées et sorties des lieux d’expositions et font office de sorties de secours pour tout le bâtiment.

Passerelle ouverte en façade du Centre Pompidou.
Les terrasses extérieures

Etapes finales de la visite muséale, le bâtiment accueille depuis l’origine trois terrasses extérieures au niveau 5, offrant des vues spectaculaires sur Paris.

Au deux extrémité du musée, chacune des terrasses propose quelques sculptures et une vue sur Montmartre d’un coté ou de Notre-Dame de l’autre coté.
Un toit-terrasse panoramique a été aménagé plus tardivement au niveau du restaurant du dernier étage.
La circulation de la connaissance
Musée d’art, Galeries d’exposition et ateliers créatifs

A coté d’un Musée national d’Art moderne réputé et des galeries d’expositions temporaires, des ateliers créatifs sont ouverts toute l’année aux enfants et aux adolescents.
La bibliothèque
En accès libre et gratuit, par l’intérieur du Centre Pompidou, la bibliothèque publique d’information (Bpi) s’étend sur 3 niveaux du bâtiment.

Consacrée à lecture publique encyclopédique sur tous supports, mais uniquement sur place (sans prêt à domicile), la bibliothèque participe fortement au flux des visiteurs qui parcourent le Centre Pompidou.

La circulation des saveurs
Avant la restructuration du Centre Pompidou démarrée en 2025, 2 espaces de restauration cohabitaient dans le bâtiment : le premier situé dans le Forum du rez-de-chaussée et second au tout dernier étage.
Il est notable, qu’aménagés par des concepteurs différents, ceux-ci ont éprouvé le besoin de créer quelques « cellules » pour isoler un peu les clients au milieu des immenses plateaux au style industriel.
Le Café central
Situé sur la mezzanine, au dessus du forum le « Café Le Central », a été aménagé par le designer espagnol Jaime Hayon.

L’espace s’organise autour d’une de petits pavillons aux vitrages colorés, qui permettent de créer des zones d’intimité.
Le restaurant Georges
Le restaurant gastronomique situé au dernier étage du Centre Beaubourg date des années 2000.
Son aménagement à été confié au cabinet d’architectes Jakob et MacFarlane.
Avec sa terrasse, qui offre une vue panoramique sur la capitale, le restaurant est devenu un Rooftop parisien très prisé.

L’armature tubulaire des plafonds reste de vigueur dans tout l’espace restaurant, même si quelques alcôves, aux formes organiques, ont été ajoutées pour créer des espaces plus confidentiels.

Le choix audacieux et controversé du président de la république française, Georges Pompidou, mort avant l’achèvement du chantier, et qui à donné son nom au projet du « plateau Beaubourg », a inauguré une lignée de présidents « bâtisseurs ».
Son successeur direct, Valery Giscard d’Estaing, avec La cité de la Villette, et plus encore, François Mitterand avec la Grande Arche de la Défense, l’Institut du monde Arabe ou encore la BNF (qui porte son nom) en ont perpétué l’héritage.
Thierry Allard
Photographe de France et de Navarre.
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2025-2030 : le Centre Pompidou reprend des couleurs
Les multiples interventions qui obligent à vider entièrement le Centre Pompidou de ses meubles et occupants pendant cinq années consistent, entre autres, à réaliser un désamiantage assorti d’une optimisation énergétique de l’ensemble du bâtiment, une mise en conformité aux normes de sécurité incendie, le remplacement des ascenseurs, et la rénovation du système de climatisation et des tours aéroréfrigérante.

Pour ce qui concerne son lifting, ses couleurs seront ravivées après un traitement de la corrosion ainsi que le remplacement des baies vitrées.
L’intérieur, en particulier le Forum, fait aussi l’objet d’une réorganisation conséquente par le duo franco-japonais Nicolas Moreau et Hiroko Kusunoki.
A l’extérieur, la place se voit légèrement modifiée par l’agence Moreau Kusunoki associée à Frida Escobedo Studio, avec l’ajouts d’escaliers et de gradins sur les cotés.
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