Le Centre National de la Danse, anciennement centre administratif de la ville de Pantin, au nord de Paris, est l’œuvre de Jacques Kalisz.
Au milieu des années 60, Jacques Kalisz à 35 ans mais n’est pas encore architecte. Il profite d’une commande du maire de Pantin pour concevoir, sous l’égide de l’architecte Jean Perrottet, une construction originale digne de constituer son projet de diplôme.
Inauguré en 1973 au bord du canal de l’Ourcq, le bâtiment à l’architecture néo-brutaliste conceptuelle, qui pourrait évoquer une œuvre de Le Corbusier ou de Louis Kahn, fût très controversé lors de sa construction.
Le palais du peuple, tel qu’il était surnommé à l’origine, s’est dégradé inexorablement au fil de ses trente premières années et vidé progressivement des services administratifs qui l’occupaient.
Il échappe à une démolition promise grâce à un bail emphytéotique consenti au Ministère de la Culture et de la Communication, à la fin des années 1990.
Plusieurs rénovations se sont succédées depuis mais le CN D, acronyme du Centre National de la Danse, continue à voir ses façades extérieures en béton tenter de retrouver leur état initial de granulat… au point qu’il a fallu les recouvrir en 2018 d’un filet de protection pour protéger les passants.
Les escaliers suspendus, l’entrechat architectural de Jacques Kalisz
Occupant la totalité de l’atrium central, les escaliers suspendus constituent la pièce maîtresse de l’architecture brutaliste du Centre National de la Danse.
En brouillant visuellement l’envers et l’endroit, Jacques Kalisz à créé des escaliers qui s’enchevêtrent et que je m’amuse à photographier dans l’esprit d’un tableau de M.C. Escher (comme j’ai pu le faire précédemment dans ce blog pour les Orgues de Flandre).
L’imposant escalier-rampe à deux niveaux dessert les six étages du CND sur 19 mètres de haut et 28 mètres de long.
Il baigne entièrement dans la lumière naturelle côté sud et se projette sur l’extérieur grâce à une grande façade vitrée.
D’un coté, des escaliers, qui obligent à marcher la tête baissée quand on les gravit, et de l’autre coté des rampes d’accès qui favorisent la déambulation, laissant le temps au visiteur, ou au photographe, d’apprécier l’architecture intérieure du grand atrium.
La contemplation permise par cette rampe ouverte n’est pas sans m’évoquer la promenade architecturale proposée par Le Corbusier à la maison Savoye ou à la maison Laroche.
Dans l’esprit de l’artiste James Turell, une mise en lumière polychrome réalisée par l’atelier H. Audibert intègre des néons le long de la rampe centrale diffusant une couleur différente à chaque niveau.
Les plafonds « gaufrés » en béton alvéolé sont remplis pour partie de laine de roche et recouverts de panneaux de fibres de bois agglomérés pour la correction acoustique.
A l’origine du CND, le centre administratif de Pantin
Traduisant l’ambition sociale du maire de Pantin dans les années 1960, le Palais du peuple, comme le surnomme Jacques Kalisz, cherche à rompre avec l’architecture conventionnelle pour proposer un projet progressiste, une cité pour tous.
Le palais du peuple à pour but à l’époque d’offrir tous les services administratifs possibles pour une ville : un tribunal, un commissariat de police, une poste centrale, une bibliothèque, les services sociaux, un centre des impôts, une caserne de pompiers, une salle des fêtes, …, jusqu’aux pompes funèbres ou même une maison des syndicats.
Jacques Kalisz, tutoré par l’architecte Jean Perrottet, qui signera le permis de construire, dessine un bâtiment horizontal sur six niveaux qui fait près de 175 m de long sur une surface totale de 20 000m2.
L’édifice est entièrement réalisé en béton brut et présente des blocs saillants en façade ajourés comme de la dentelle. Le chantier qui a démarré en 1968 s’achève à l’automne 1972.
Kalisz aztèque inspiration
Les façades du bâtiment comme certains murs intérieurs sont « illustrés » par des motifs abstraits et sculpturaux d’inspiration aztèque.
Dans l’esprit de Jacques Kalisz, chaque symbole a une fonction signalétique qui a pour but d’indiquer, y compris de l’extérieur du bâtiment, la localisation et le type de service administratif recherché.
En pratique, cette iconographie aztèque n’initiera véritablement aucun Pantinois au langage des signes, par trop abscons, imaginé par son concepteur.
La transformation en Centre National de la Danse
Du brutalisme aux libres arabesques
En 1998 le ministre de la culture français, Jack Lang, décide de créer le Centre National de la Danse, un lieu d’information et d’accompagnement au service de la danse, qui trouve sa place dans l’ancien centre administratif de Pantin.
La première rénovation opérée par les architectes Antoinette Robain et Claire Guieysse permet de repenser le bâtiment en 2004, et d’y intégrer des studios de danse ainsi qu’une salle de spectacle de 200 places. L’intervention remarquée leur permet de recevoir le prix d’Equerre d’argent.
Le mur central traversant tous les étages se pare d’un mur cimaise en stuc romain de couleur rouge qui permet de cacher les réseaux techniques.
Il devient une véritable signature pour le CND et s’intègre parfaitement avec le sol polychrome en granito, à base de marbre et d’un liant coloré, créé par l’artiste Till.
Pour la signalétique, le graphiste Pierre di Sciullo crée spécialement pour le CDN la typographie Minimum bing / Minimum bong avec des lettres « qui dansent ». On la retrouve partout dans le bâtiment, traitée en volume, ainsi que pour la grande enseigne extérieure composée par le mot « danse » en lettres rouges qui se déploient sur 10 m de long sur le toit, coté canal de l’Ourcq.
L’aménagement est sobre et épuré, on remarque les luminaires en forme de boule de cristal de Meisenthal et quelques chaises Mallet-Stevens.
Une ouverture vers l’extérieur
En 2016, une intervention de l’agence d’architecture Berger & Berger permet de réorganiser l’espace public.
Il en résulte un rez-de-chaussée reconfiguré, plus ouvert du côté du canal avec un accès à une terrasse donnant sur l’Ourcq et un accueil du public déplacé. De nouveaux espaces sont créés comme une salle de projection, un lieu d’exposition et un nouveau studio.
L’atrium central se voit occupé par le bar-restaurant Mingway, un concept de gastronomie aux prix abordables.
L’intérieur cloisonné du bâtiment conçu par Jacques Kalisz se retrouve désormais, 45 ans après sa construction, traversé un peu plus par la lumière.
A l’étage, une salle d’exposition ouverte grâce à l’intervention du cabinet d’architectes Berger & Berger.
Quid de l’avenir du bâtiment ?
La détérioration rapide du béton brut sur les façades pose question.
Est-elle due à une mauvaise qualité du béton ou à la finesse des motifs qui le rend plus fragile ?
Malgré la rénovation de 2004, moins de 15 ans après il a déjà fallu installer des filets pour contenir sa dégradation !
Si une nouvelle rénovation s’avère absolument nécessaire pour remettre en état les façades du Centre National de la Danse, son coût estimé, qui approche à minima les 25 millions d’euros, retarde la prise de décision et rend cette œuvre d’architecture brutaliste non classée, mais unique en son genre, toujours en péril.
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