En 1923, Le Corbusier et son cousin Pierre Jeanneret conçoivent deux villas mitoyennes dans le XVIe arrondissement de Paris : les Maisons Roche et Jeanneret.
La maison créée pour Raoul La Roche, un riche collectionneur d’art, va permettre à Le Corbusier d’expérimenter pour la première fois son concept de « promenade architecturale » à l’intérieur d’une habitation, cinq années avant celle de son chef-d’œuvre que constitue la villa Savoye.
Pour ces 2 constructions, Le Corbusier a carte blanche et il en profite pour mettre en œuvre, grâce au béton armé, les cinq points de l’Architecture Nouvelle qu’il formulera par écrit en 1927.
Quand la maison Jeanneret s’avère être une maison familiale, la maison La Roche est d’abord conçue pour être un espace d’exposition, mettant sa partie habitation presque au second plan.
Cette maison atypique, qui marque un tournant dans l’oeuvre de Le Corbusier, est donc tout logiquement celle que la fondation Le Corbusier à choisi d’ouvrir aux visites.
La promenade architecturale de la maison La Roche
On peut considérer que deux parcours distincts démarrent du rez-de-chaussée, conduisant chacun au sommet de la maison, tout en se rejoignant en son centre, au premier étage.
Le parcours public englobe le hall, un escalier ouvert, une grande salle d’exposition, avec la première rampe d’accès intérieure estampillée le Corbusier, et se termine dans une bibliothèque.
Le parcours privé passe par une cage d’escalier semi-ouverte distribuant les pièces de vie pour se terminer sur un toit-terrasse.
L’ensemble des cheminements, agrémentés de multiples ouvertures, permet d’apprécier autant l’architecture intérieure qu’extérieure.
Le parcours public
Le Hall d’accueil
Véritable atrium, cette entrée en matière « dépouillée »constituée de formes simples et de murs lisses légèrement colorés évitant tout ornement, donne le ton de la première maison « puriste » conçue par Le Corbusier.
Le hall d’entrée est ouvert sur les trois niveaux de la maison et comporte deux petits escaliers opposés par lesquels on peut démarrer chaque promenade.
L’escalier public est entièrement ouvert et propose à son sommet du premier étage un premier point d’observation, sous la forme d’un balcon intérieur.
Un petit hall s’ouvre ensuite sur la galerie de tableaux ainsi que sur une passerelle reliant les deux parties de la maison.
La Galerie de tableaux
Pièce maîtresse de la maison La Roche, la galerie dévoile quelques-unes des possibilités offertes par l’architecture nouvelle.
Dénuée de murs porteurs, de grands bandeaux vitrés peuvent parcourir librement la totalité des façades opposées.
Coté couleurs, la galerie affiche sa polychromie d’origine quand côté mobilier, elle apparait telle qu’était à l’orée des années 1930, après sa première rénovation.
La façade nord-ouest arquée accueille une rampe d’accès qui était pleine initialement, mais qui a été transformée en 1929 par Charlotte Perriand et Alfred Roth pour accueillir un meuble de rangement en dessous.
A cette occasion, une isolation thermique et acoustique était ajoutée ainsi qu’une table en marbre au centre de la pièce sur un nouveau sol en linoleum moins sonore et plus chaleureux que les carreaux industriels initiaux.
Enfin, une imposante rampe d’éclairage peinte en bleu jouant aussi le rôle de brise soleil, venait remplacer le fil tendu qui traversait la salle dans toute sa longueur et officiait, de façon « puriste », à supporter quelques ampoules.
Les vitrages placés en bordure du toit apportent une lumière indirecte réfléchie par un plafond incurvé, libérant ainsi un maximum d’espace d’exposition sur les murs.
Au pied de la rampe, une porte vitrée donne accès à un petit balcon, ajoutant un nouveau point d’observation dans la promenade architecturale, mais cette fois-ci tourné sur l’extérieur de la maison.
Enfin, au sommet de la rampe, une mezzanine offre un point de vue complet sur la salle et sur les peintures exposées.
Les dessous de la galerie
A l’extérieur, le dessous de la galerie laisse laisse apparaître quelques pilotis quand d’autres piliers armés sont intégrés dans les murs.
La salle ainsi surélevée libère un espace couvert qui permet d’augmenter la surface du petit jardin.
La bibliothèque
La bibliothèque termine la première promenade architecturale et est accessible uniquement via la rampe d’accès.
Elle est vitrée du coté de la mezzanine de la salle d’exposition et entièrement ouverte sur le hall d’accueil, procurant ainsi un ultime point de vue.
Cette dernière pièce du parcours public profite de beaucoup de lumière grâce à des bandeaux vitrés et à un éclairage zénithal, qu’affectionnera particulièrement Le Corbusier, tout au long de sa vie.
Ce puits de lumière est le premier d’une série qui viendra illuminer ses maisons suivantes.
Pour ce qui concerne la France :
La Maison Cook (1926) à Boulogne-sur-Seine, la Villa Savoye (1929) à Poissy, la Maison de Mandrot (1931) à Le Pradet, et le Cabanon (1951) à Roquebrune-Cap-Martin.
La passerelle centrale
Point de convergence des 2 parcours, la passerelle centrale borde le plus imposant pan de verre de la maison et permet d’apprécier, à l’intérieur, le décloisonnement de la partie publique, et à l’extérieur, la façade bombée de la galerie avec le jardin couvert.
Du côté de la partie privée, la passerelle fait face à la salle à manger et permet d’observer le double jeu de circulation verticale et horizontale de l’escalier et de la coursive qui mène à la chambre puriste.
Le parcours privé
La cage d’escalier qui distribue les pièces de vie dispose d’ouvertures à chaque étage qui offrent des points de vues sur la partie publique et permettent de l’intégrer à une promenade architecturale accédant au toit.
L’étage de service
Au rez-de-chaussée, on trouve la cuisine, le logement du gardien ainsi qu’un garage.
La cuisine est éclairée par un puits de lumière provenant d’une verrière située sur la terrasse du premier étage.
L’étage de réception
Au premier étage, l’office accueille un monte-plats provenant de la cuisine.
Il est relié à une salle à manger, elle-même reliée à une petite terrasse fermée.
La salle à manger, comme la majeure partie des autres pièces privées, est colorée des murs aux plafonds, d’une variation de teintes ocres.
Une bordure blanche le long du bandeau de fenêtres permet de mieux réfléchir la lumière extérieure, quand une porte vitrée conduisant à la petite terrasse amène un surplus d’éclairage.
Tubes électriques en guise d’appliques, comme ampoules fixées au bout de simples tubes sortant du plafond, sont là pour rappeler la notion de dépouillement qui prévaut dans une maison puriste.
L‘étage de repos
Le deuxième et dernier étage coté privé à une surface réduite par la terrasse du premier étage et ne comporte que 3 petites pièces complémentaires, dans l’esprit d’une suite parentale d’aujourd’hui.
La fameuse chambre dite « puriste », en rapport avec les tableaux puristes qui la décorait et sa simplicité, dispose d’une double exposition et est adossée à un dressing ainsi qu’à une mini salle de bain.
Le Toit-terrasse
Au sommet de la cage d’escalier, le toit plat de la villa La Roche accueille un large auvent ainsi qu’un solarium avec un banc en béton et un jardin, dans la continuité de la terrasse de la maison Jeanneret.
On peut remarquer que le concept de promenade architecturale que Le Corbusier expérimente pour la première fois dans la villa La Roche se divise en 2 parcours se terminant chacun en cul-de-sac.
Dans sa future villa Savoye, l’architecte intégrera plusieurs accès au toit-terrasse afin de l’insérer dans un circuit architectural complet.
Une maison La Roche, riche en couleurs
2 rénovations qui consacrent la couleur
La légende qui entoure cette première maison puriste, à longtemps fait croire qu’elle était blanche à l’extérieur.
L’absence de photographies en couleur d’époque et les rénovations successives au cours du siècle dernier l’avaient blanchie dans la mémoire collective.
C’est seulement depuis 2015, qu’elle a retrouvé sur ses façades sa couleur jaune-ocre d’origine, se rapprochant de la Cimentaline, l’enduit teinté de pierre broyée utilisé en 1925.
Pour approfondir ce sujet : Les revêtements en enduit des premières maisons puristes.
En 2009, la maison La Roche avait préalablement retrouvé ses couleurs intérieures à l’occasion d’une rénovation complète.
Grâce à une étude scientifique, s’ajoutant aux informations contenues dans les devis de peinture conservés dans les archives de la Fondation Le Corbusier, la villa faisait un bond de presque 1 siècle ans en arrière.
La polychromie architecturale
Pour Le Corbusier, la couleur n’avait pas qu’une fonction décorative, mais elle faisait partie intégrante de son architecture, en permettant d’affirmer plus ou moins certains volumes.
A l’intérieur de la maison La Roche, une variation de teintes ocres, déclinées de la terre de Sienne, sont associées à une dizaine d’autres couleurs qui ont pour but de mettre en valeur l’architecture.
Ces différentes nuances de couleurs sont issues de la palette « puriste » (en rapport avec le courant artistique) que Le Corbusier et son ami peintre, Amédée Ozanfant, utilisent à la même époque dans leurs tableaux.
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